Decathlon et l’innovation
Vous ne le savez sûrement pas, et si vous le saviez vous auriez pu me prévenir (1), mais la tente 2 Seconds fête cette année son dixième anniversaire. Et demain jeudi 23 juillet 2015, ou deux pieds, ça marche toujours mieux…, ça fera dix ans que l’AMI, Association pour le Management de l’Innovation, innovait (1).
(1) Toute comparaison de style avec un certain Stéphane De Groodt est purement préméditée et programmée dans cet article qui, sur la forme, est composée d’extraits issus de ses merveilleux ouvrages que sont : Voyages en absurdie et Retour en absurdie, ses deux best-sellers. Quant au fond de l’article… je laisse le lecteur seul juge.
Il me semblait donc opportun, ou au porto si vous êtes à l’apéro (1), de profiter de cette date anniversaire pour revenir sur un des membres fondateurs de l’AMI : Decathlon. L’Innovation est pour Decathlon ce que Pierre Repp est à Stéphane De Groodt : plus qu’une influence, une véritable inspiration !
OBSERVER :
L’article de juin dernier de l’ADN intitulé « Décathlon, à fond l’innovation autour de l’utilisateur » détaille la place de « l’utilisateur de produits sportifs » dans le management de l’innovation chez Décathlon.
En effet, comme l’explique très bien Xavier Rivoire, Directeur de la communication externe chez Decathlon :
les « 40 ans d’innovation [sont] motivé[s] par les “utilisateurs de produits sportifs” comme préfèrent les appeler les employés du groupe. Pour eux, l’engagement vient d’une marque qui sait interagir avec les utilisateurs : “l’engagement doit venir de nous, c’est à nous d’expliquer la R&D et la conception d’un produit ; qui et comment on a travaillé. Nous sommes ouverts à toute remarque et observation pour toujours avancer.” Un état d’esprit qui porte ses fruits et jalonne le processus d’innovation. »
Nous retrouvons bien ici un des piliers mis en avant par l’AMI, toujours valable 10 ans après : l’observation de l’utilisateur final dans son contexte d’utilisation.
Et quand Decathlon parle « d’exploration prototypale », comme nous le suggère le sujet consacré à Quechua dans l’article « Dans les coulisses de Quechua », nous zoomons alors sur l’activité de Veille/Recherche qui est organisée pour innover, de l’observation jusqu’au prototype.
CONCEVOIR :
Pour le domaine d’innovation relatif à la conception, l’exemple de la tente 2 Seconds est tout à fait révélateur. Certes chez Decathlon
« le prototypiste disait que les idées étaient impossibles à « coudre », l’ingénieur que pour ce prix, c’était inimaginable et le tout ne pouvait pas se replier… En réalité, la solution technique existait déjà, mais dans deux endroits différents (un secret). »
NB : ce secret n’est en fait que l’association, géniale, d’une innovation d’usage (« le rêve d’une tente qui se monterait en… deux secondes ») et d’une technique existante : l’ouverture automatique d’un parapluie…
Cette même méthode a été appliquée pour les autres sports (et partagée par toutes les marques passion de Decathlon) comme en atteste par exemple le formidable succès (trop ? car en rupture pendant toute l’année de lancement ?) du masque Easybreath.
Cette démarche est maintenant appliquée aujourd’hui aux produits connectés.
« Demain, un sac à dos ou des chaussures de marche connectées seront sans doute vendus en magasin. Tous les produits portent déjà une puce à leur sortie d’usine. Aujourd’hui, elle est désactivée au moment du passage en caisse. Mais que nous réservera l’avenir ? »
INDUSTRIALISER :
Industrialiser un prototype innovant c’est étudier et mettre en oeuvre les nouveaux procédés de fabrication et de logistique, prévoir les ressources financières nécessaires, organiser les flux d’exploitation, adapter les outils et moyens commerciaux. L’exemple de la célèbre tente 2 Seconds est à ce sujet assez édifiant !
« Dès mars 2015, la 2 Seconds a été commercialisée partout dans le monde, soutenue par Yves Claude, le p-dg de Decathlon. « Nous avons continué à tirer les fils de ce que nous pressentions comme une sorte de saga. Nous avons amélioré le montage, innové sur les tissus et inventé de nouvelles gammes comme la Air seconds, une tente qui se gonfle, des cabines ou des auvents, par exemple ».
Quand on sait que the Kage est un dérivé de cette tente, issue de l’observation sur la plage au Brésil, par un collaborateur de Decathlon, d’un match de football où les buts étaient matérialisés par 2 tentes 2 Seconds, on voit bien ici tout l’intérêt de l’observation. C’est une autre marque passion de Decathlon (KIPSTA) qui s’est inspirée de cette observation : en observant l’usage de la tente Quechua elle a créé un nouveau produit, attendu par le marché et qui a depuis été généralisé.
DECIDER :
Chez Quechua,
« pour favoriser l’exploration prototypale, car selon un mantra entendu [là-bas], une idée naît dans la tête et sort par les mains, un comité d’innovation a été mis en place en janvier 2015. Il est animé par une dizaine de personnes extérieures aux groupes projets. On y retrouve un contrôleur de gestion, la directrice du magasin de Chamonix ou le responsable du rayon junior. »
Le Comité d’Adaptation, structure chère à l’AMI, trouve ici entièrement sa traduction opérationnelle au sein d’une grande marque.
ORGANISER :
L’article de l’ADN souligne également que « Les 530 ingénieurs, 150 designers et 50 chercheurs sont en constant “test and learn” : “l’innovation est, en quelque sorte, leur métier.” Decathlon teste ses produits en situation avec des consommateurs qui sont amenés à skier, marcher, camper… ».
L’enjeu du management de l’innovation est donc bien d’organiser une démarche destinée à associer les énergies et les compétences, en cohérence avec l’ambition et la stratégie de l’entreprise.
Conclusion
A l’occasion des #ami10ans il est bon de rappeler qu’innover c’est constituer et former une équipe qui saura générer de nouvelles idées et inventer l’offre de demain en créant les conditions d’une réflexion stratégique permanente. La méthode de management de l’innovation, et les outils développés par l’AMI, l’organisent parfaitement par :
- une veille «marché utilisateurs» et une mise en commun des informations recueillies,
- une coordination des actions de recherche,
- un processus de décision fixant les priorités,
- une évaluation continuelle des performances en innovation,
- un langage commun et des méthodes de travail collectives facilitant le rapprochement des compétences et la capitalisation des savoir-faire.
Decathlon nous le démontre depuis plus de 10 ans…
Superbe article qui donne une excellente illustration de la méthode préconisée par l’AMI.
On en redemande ! Tiens, c’est vrai que je pourrais aussi me mettre à publier des articles …