La motivation, moteur de l’innovation
Connaissez-vous Edgar Grospiron ? Fort d’un des plus beaux palmarès du sport français (Champion Olympique en 1992 à Albertville et trois fois Champion du Monde de bosses), il a aussi prolongé sa passion de la performance au service du monde professionnel. Et « s’il n’y a pas de performance sans motivation », comme il l’indique dans son livre « Quand on rêve le monde » (Editions ALTAL – 2019 version enrichie), il m’a révélé qu’il n’y a pas d’innovation sans motivation également. Je souhaite donc partager ici quelques extraits de notre entretien réalisé avant la période de confinement lié au Coronavirus Covid-19.
On n’innove pas du jour au lendemain, cela prend plus de temps !
Edgar, dans ton livre « Quand on rêve le monde », tu indiques que la Performance est toujours le produit d’une Compétence multipliée par une Motivation. Peux-tu nous expliquer ?
Bien sûr, car cette équation, fondement du cabinet de consultants du CRECI, parue dans le « Journal of Business » en 1952 dans un article écrit par Messieurs Gallager et Einhorn, a clarifié beaucoup de choses pour moi.
S’il n’y a pas de performance sans motivation, je sais qu’il n’y a pas de compétence sans motivation également. Et la réussite c’est bien souvent la réconciliation de nos motivations. C’est parce que je crois qu’aligner ses motivations sur un idéal de vie est le meilleur moyen pour l’être humain de s’accomplir en pleine connaissance de cause que je parle souvent de motivation.
J’aime à croire que lorsque notre projet est clair, que nos décisions sont fermes, chaque acteur participe à notre propre réussite.
La motivation, ce n’est pas un don mais une énergie qui se trouve au fond de soi, qui se stimule et qui se transmet. C’est un concept très universel mais surtout il est valable autant à titre individuel que collectif. J’ai l’habitude de dire que les gens les plus libres sont les plus motivés. Et comme la motivation est une énergie qui ne s’use que quand on ne s’en sert pas, il est nécessaire de l’entretenir régulièrement. C’est pourquoi dans toute activité, sportive ou professionnelle, il est nécessaire d’alterner, mais aussi d’optimiser, ses phases intenses et ses phases de repos. La motivation est une énergie qui se cultive et c’est pourquoi il y a une mécanique puissante dans la notion de « sens » que nous donnons aux choses.
Tu nous parles aussi de réconcilier l’exigence et le plaisir, tu peux nous en dire un peu plus ?
L’exigence et le plaisir sont les 2 facteurs essentiels de toute réussite. Car le résultat n’est qu’une conséquence. Tant qu’on progresse et qu’on prend du plaisir, on est sur le bon chemin : la réussite n’est qu’une question de temps. Et il vaut mieux être exigeant lorsque l’on s’entraîne, sur des gestes répétés, qu’en compétition. C’est pourquoi j’ai toujours défendu l’idée d’une stratégie calée sur ses propres forces, permettant de compenser ses faiblesses. Mais attention, je parle ici d’être hyper-exigeant sur ses domaines de points forts. Donc d’avoir les « standards » les plus élevés du monde sur les domaines qui sont nos forces.
Celui qui s’en sort le mieux visualise l’obstacle comme une opportunité.
Nous pouvons aussi chercher de quelle manière nous pouvons développer du plaisir dans notre travail. Pour rester performant, il convient d’être totalement impliqué tout en gardant du recul. Et surtout ne pas perdre la lucidité à cause de l’injonction de l’urgence. Réussir se conjugue avec plaisir dès lors que la confiance est forte. Or, si nous avons confiance, c’est que nos doutes ne sont pas assez forts pour prendre l’avantage. Donc parce qu’un niveau de plaisir élevé donne un niveau d’énergie élevé, un niveau d’énergie élevé donne un niveau de confiance élevé.
Ne pas avoir d’autre choix que de donner le meilleur de soi-même en toute circonstance…
Dans un environnement à fort enjeu, qu’il s’agisse du monde sportif ou du monde professionnel, nous nous donnons plus de chances de réussir en faisant la part des choses entre pression d’enjeu et plaisir du jeu.
Finalement notre capaciter à innover n’est-elle pas liée à notre motivation ?
L’innovation représente ce qui est incertain, inconnu, nouveau donc cela peut générer du stress. Comme on ne développe pas un talent par hasard, on n’innove pas par hasard non plus. Le XXIe siècle est le témoin de changements de paradigmes importants : la carrière professionnelle n’est plus linéaire, l’ouverture au monde nous permet d’adapter notre environnement à notre personnalité, l’impact de notre consommation sur l’environnement nous impose de réfléchir sur notre responsabilité. Ce ne sont que quelques exemples qui nous montrent à quel point le progrès est une nécessité dans un monde qui avance vite, de plus en plus vite !
Nano Pourtier avait raison lorsqu’il nous disait : si la technique évolue d’une époque à l’autre, les comportements restent implacablement les mêmes.
Une des clés de la motivation réside dans notre pouvoir à nous projeter dans un avenir meilleur, tout en sachant que nous avons un rôle à jouer, une contribution à apporter. Rêver est une des sources de la motivation. Créez une vision claire de ce que vous souhaitez. Car le regard conditionne l’expérience (en neuroscience, on appelle cela « faire de l’induction »). Plus votre vision sera claire et précise, plus votre cerveau procédera par mécanisme d’induction. Nos schémas mentaux sont ainsi faits qu’ils nous forgent des croyances limitatives ou stimulantes et nous sommes ainsi faits que nous avons tendance à donner plus souvent raison à nos croyances qu’à nous-mêmes. Or ce qui conditionne la qualité de l’être humain n’est pas le bilan qu’il fera de sa vie. Ce qui nous conditionne c’est le rêve que nous avons au début et notre volonté à marcher dans ses pas.
La discipline et la motivation rendent le job moins routinier. Plus on progresse, plus on ouvre le champ des possibles. Et finalement, plus on innove !